CORNAUX
Texte d'Henri Hauert, automne 1988,
écrit à l'occasion de l'invitation de la commune à la Fête des Vendanges de Neuchâtel.



Blotti dans ses beaux vignobles et ses vergers de pruniers, entre les contreforts du Jura et la plaine de l'Entre-Deux-Lacs, la commune de Cornaux se situe au centre du district de Neuchâtel, à une altitude de 440 mètres. Bordé au nord-est par la commune de Cressier, à l'ouest par celle de St-Blaise et au sud par celle de Thielle et le canal du même nom, qui marque la frontière bernoise, elle compte une superficie de 469 hectares.

Si des traces archéologiques permettent de supposer que des hordes lacustres, gauloises, romaines et autres burgondes se sont succédées dans la région, le nom de Cornaux n'apparaît pour la première fois dans un acte officiel qu'au début du XIIIe siècle. Dédié à Saint-Pierre, le temple de Cornaux fut construit en 1340 et constitue un précieux témoin du passé de la communauté, qui comme les peuples heureux, n'a point d'histoire bien marquante. Les habitants du lieu semblent avoir toujours mené une vie calme et laborieuse et il est frappant de constater qu'à chacun des maîtres auxquels ils ont été soumis au cours des temps, Comtes de Fenis, Maison de Fribourg, Maison de Hochberg, Duc d'Orléans-Longueville, prince Berthier, Rois de Prusse, etc..., ils ont renouvelé des assurances de respect et de fidélité.

Les archives communales contiennent moultes anecdotes savoureuses sur leurs préoccupations et donne une image pittoresque du temps passé. Ce "bon vieux temps" se reflète par ailleurs dans l'apparence paisible des anciennes bâtisses conférant un cachet si particulier à notre Vieux-Bourg, comme dans les noms locaux désignant encore certaines parchets, tels "Les Chignolets", "Les Poëtes Parties", "En Piqualorge", "La Sauge Aux Prêtres", etc...

Ce bon vieux temps a peut-être trop duré, hélas, et il en est résulté une certaines stagnation de la commune, qui ne comptait encore que 450 habitants en 1950, soit le même nombre que deux siècles auparavant, et qui avait accumulé dans de nombreux domaines un retard difficile à combler.

Toutefois, dans les dernière decennies, Cornaux allait littéralement exploser, grâce à la clairvoyance de chefs d'entreprise conscients des avantages que conférait à la commune des voies de communication par rail, par route et par eau, ainsi que sa situation géographique au centre de l'Entre-Deux-Lacs. Brusquement, elle sortait de sa torpeur et semblait vouloir rattraper le temps perdu. Dès 1957, dans le grondement des trax, compresseurs, grues et autres machines de chantier, d'imposantes constructions de béton et d'acier émergeaient de nos campagnes paisibles et des immeubles locatifs s'élevaient dans nos vignobles et vergers verdoyants. En quelques années, l'aspect des lieux subissait de profondes modifications, le calcaire était arraché au flanc de la montagne et l'argile extraite du sous-sol, alors que le pétrole arrivait à flots dans les premiers réservoirs érigés sur notre territoire.

Ce développement n'a cessé de croître, et la production annuelle de la fabrique "Juracime" s'élève aujourd'hui à 270'000 tonnes de ciment, tandis que la "Raffinerie" traite environ trois millions de tonnes de produits pétroliers dans ses installations situées pour un tiers sur notre territoire. Tous ces produits transitent par Cornaux, fort heureusement en dehors de l'agglomération et ce sont journellement 500 camions qui utilisent notre réseau routier, pendant que 400 wagons sont manoeuvrés à notre gare de triage, qui se trouve être la plus lourde de Suisse. A côté de ces géants de l'industrie, les autres secteurs de l'économie locale ont aussi pris un essor réjouissant, et l'artisanat traditionnel s'est enrichi d'ateliers de haute technologie, bureaux-services et commerces spécialisés. L'agriculture a su conserver sa place, heureusement, mais nos jeunes paysans luttent dans des conditions de plus en plus difficiles. Ils bénéficient sur place des installations de la Société d'Agriculture et de Viticulture (SAV), qui conditionne, entre autres, quelques 5000 tonnes de céréales par an. Notre vignoble, pour sa part, se maintient à une superficie de 14 hectares, répartis sur des coteaux particulièrement bien exposés pour une production de qualité.

Fort heureusement, les édiles communaux ont été en mesure de maîtriser jusqu'ici ce développement spectaculaire. En même temps que les infrastructures nécessaires à l'activité des secteurs primaires, secondaires et tertiaires de notre économie locale étaient mis en place, des poumons de verdure étaient réservés dans nos campagnes, par l'application d'un plan d'aménagement judicieusement conçu. Par ailleurs, au cours des ces dernières années, des abris de protection civile ont été érigés au centre du village, alors qu'un nouveau collège vient d'ouvrir ses portes en même temps que débute la construction d'une grande salle omnisport. Ces investissements ont pu être consentis grâce à la manne fiscale qui se trouve mélangée aux retombées des cheminées de "Juracime" et de la "Raffinerie" en particulier, dont il faut bien admettre que pour Cornaux, les fumées ont une teinte légèrement dorée...

La population compte aujourd'hui plus de 1500 âmes et si certains nouveaux habitants ont quelque peine à s'intégrer, nombre d'entre eux sont conscients qu'ils se doivent d'apporter une contribution active à notre vie communautaire, politique, culturelle et sportive. D'un autre côté, beaucoup d'enfants de Cornaux, après avoir parfait leur formation sous d'autres cieux, aiment à revenir s'établir dans le village de leur enfance. Il en résulte qu'une nouvelle génération se met en place, respectueuse du passé, mais animée d'idées nouvelles pour un avenir qui se doit de maintenir dans notre commune une âme et une harmonie constituant les plus sûrs garants d'une vie heureuse pour ceux qu'elle abrite.